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Cabinet en marqueterie d’écaille

Cabinet en marqueterie d’écaille, laiton gravé et étain gravé, la façade à vingt-quatre tiroirs simulés à entrées de serrure à têtes de lion affrontées ouvrant à seize tiroirs à décor de rinceaux de feuillages flanqués de colonnes et colonnes jumelés en ivoire peint en faux marbre (usures), avec un vantail découvrant un théâtre à colonnes peintes et plancher en marqueterie de bois teintés sur fond d’ivoire, le fronton à plaquettes d’ivoire et galerie de balustres en bronze doré interrompu par un caisson en décrochement à rosace, écoinçons et compartimentages encadrés de figures de satyre en atlante, les côtés en marqueterie d’ébène sur fond d’étain à décor d’un monogramme couronné, reposant sur un piétement à termes masculins et féminins de bois peint et doré réunis sur une plateforme également monogrammée, à plaquettes d’ivoire peint et pieds en griffe.
Attribué à Pierre Gole.
Vers 1675-1680 (accidents et manques).
H : 183 cm, L : 106,5 cm, P : 41 cm

Estimation 100 000 / 150 000 €
Pescheteau-Badin, Paris, 27 mars 2019

Référence bibliographique :

Th. H. Lunsingh Scheurleer, Pierre Gole ébéniste de Louis XIV, Dijon, 2005.
Les publications concernant les cabinets réalisés en France dans la seconde moitié du XVIIe siècle sont relativement peu nombreuses. L’insuffisance des documents d’archive tant par leur nombre que par l’imprécision des descriptions ne permet pas aujourd’hui de mener un véritable travail d’attribution. Une tentative de synthèse très précieuse a cependant été réalisée pour Pierre Gole (vers 16201684) par Lunsingh Scheuleer dans la seconde moitié du XXe siècle et a donné lieu à une publication en 2005. 

En l’absence de monographies pour André-Charles Boulle (1642-1732) et Alexandre-Jean Oppenordt (1639-1715) nous ne disposons à ce jour que d’études ponctuelles, souvent des notices de catalogues de musée, notamment celles relatives aux cabinets attribués à Boulle conservés au musée Getty de Los Angeles, au Rijksmuseum d’Amsterdam et à la Wallace collection de Londres. Par ailleurs un grand nombre d’ateliers ne sont aujourd’hui pour l’historien que des noms auxquels il semble impossible de faire correspondre le moindre meuble. Quelques rapprochements avec plusieurs cabinets répertoriés ou étudiés nous permettent cependant d’évoquer la question de l’attribution.

L’un des principaux arguments pour une attribution à Pierre Gole réside dans la comparaison avec le décor du célèbre cabinet en marqueterie d’ivoire et bois teintés recouvrant l’ensemble du meuble aujourd’hui conservé au Victoria and Albert Museum à Londres (voir illustration). Il provient selon toute vraisemblance des collections de Monsieur, frère du roi Louis XIV au Palais Royal, lequel possédait d’après son inventaire de 1670, deux cabinets « à fonds d’ivoire orné de fleurs de rapport » (cité par Scheurleer, 2005, p. 247). Ce type de marqueterie extrêmement rare, dont la particularité est de voir les fleurs et feuillages de bois teinté se détacher sur un fond d’ivoire, se retrouve sur le cabinet présenté où elle sert de plancher au théâtre dissimulé derrière le vantail central (voir illustration). 

Une comparaison attentive du détail de la marqueterie montre une similitude quasi parfaite dans le choix des bois ainsi que dans le traitement des fleurs et des feuillages, notamment la forme allongée des feuilles teintées en vert. Bien qu’elle puisse échapper au premier regard, cette observation, ainsi que son extrême rareté, en font un élément très significatif et suggère avec un certain degré de certitude que les deux cabinets sortent bien d’un seul et même atelier, pour Scheurleer celui de Pierre Gole. Un autre exemple de panneaux de marqueterie d’ivoire identique orne également la façade d’un cabinet aujourd’hui conservé au musée de Dallas et également attribué à Gole. 

Le rapprochement entre la marqueterie à fond d’ivoire et l’atelier de Pierre Gole se trouve par ailleurs renforcée par la mention dans son inventaire après décès (cité par Scheurleer, 2005, p. 108) : « un vieil dessus de table de marqueterie à fonds d’yvoire ». Ce goût pour une dominante de couleur blanche est à l’époque illustré par la décoration de la chambre du roi à Versailles ainsi que par le cabinet blanc du Palais Royal entièrement tapissé de moire blanche et dans les deux cas ornés de meubles à fond d’ivoire, cabinets, tables et guéridons.

Citons maintenant un meuble assez peu connu conservé à Nostell Priory en Grande-Bretagne (voir illustration). S’il diffère par sa structure plus ambitieuse, on y retrouve notamment une marqueterie de métal assez proche, une structure similaire avec des termes comparables et une rupture du fronton identique (caisson supérieur). 

Ce cabinet de plus grande taille que le nôtre (H : 223 cm, L : 140 cm, P : 53 cm) est conservé à Nostell Priory depuis 1781, il n’apparaît pas dans l’ouvrage de Scheurleer sur Pierre Gole. Une observation du détail de la marqueterie d’étain montre de grandes similitudes notamment dans la largeur des rinceaux et le traitement de la gravure. 

Au nombre des rapprochements il faut également énumérer la présence d’encadrements de tiroir très proches dans leur décor de feuillages, de volutes de bronze doré identiques sur les deux meubles ainsi que les mêmes figures de satyres au caisson surplombant les cabinets. 

Ces remarques nous permettent prudemment de conclure à une attribution à Gole si l’on considère toutefois comme suffisamment probante la démonstration précédente rapprochant notre cabinet de celui de Londres. Nous pourrions alors avancer que ces trois cabinets sont tous bel et bien l’oeuvre de Pierre Gole.

En troisième lieu, il convient de rapprocher notre meuble du cabinet réalisé vers 1680 provenant probablement de la duchesse de Fontanges (voir illustration), maîtresse de Louis XIV (J. N. Ronfort, « Le mobilier royal à l’époque de Louis XIV, rapprochements et documents nouveaux », l’Estampille, Avril 1985, p. 36. Attribué à Pierre Gole par Ronfort en 1985 et Scheurleer en 2005, ce cabinet est aujourd’hui conservé au musée Jacquemart-André à Paris. Au-delà d’une structure et de dimensions similaires (H : 165 cm, L : 92,5 cm, P : 41,5 cm), on y retrouve aussi une marqueterie de laiton et d’étain, mais sans écaille. Il est également datable vers 1680.

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